Anne me téléphone vendredi après-midi.
-« Bonjour Anne, comment vas-tu ? »
-« J’ai besoin d’un coup de peigne. As-tu quelques minutes à me consacrer ? »
-« Je les ai, je t’écoute. »
-« J’ai un séminaire lundi matin et je suis en panne d’idée. »
-« Oh, et de quoi traite ce séminaire ? »
-« De la puissance du travail en équipe. C’est facile de travailler seul, c’est plus performant de travailler ensemble. Je voudrais illustrer ça par un extrait de film et connaissant ton intérêt pour le cinéma… Bref, vois-tu un film qui parle de ce « travailler ensemble » ? »
-« Te souviens-tu de Columbo, cet inspecteur qui voyageait d’enquête en enquête, seul au volant de sa voiture pourrie? Il finissait toujours par confondre le coupable en posant la question qui tue, l’air de rien. »
Éclat de rire de Anne…
-« Oui mais, il était seul. Ça ne marche pas ton truc ! »
-« Ah oui, là, c’est l’inverse mais il peut être utile à ton propos de présenter le contre-exemple, la situation paradoxale ? »
A cet instant, Anne marque une pause. Silence radio. Plus de son.
Cette scène est déjà intéressante en soi. Il y a le rire, un pas de côté, décalage, distanciation. Il y a aussi le « oui mais », témoin d’énergie, verbalisation d’un premier sursaut, un pas même peut être. Il y a « ton truc », comme si elle avait besoin d’entendre que c’est sans solution, même celle de son superviseur, qu’elle a raison et pas moi, besoin de s’opposer à quelqu’un d’autre qu’elle. Le silence alors, témoin d’un vide ou d’un plein, le néant ou l’eureka ?
-« Donne moi quelques titres de films, que cela continue à me stimuler. »
-« Ok. En voilà quelques-uns:
- Invictus. Au moment de la finale de la coupe du monde de rugby, les Sud-Africains rencontrent les All Blacks. Le président vient encourager son équipe.
- Ratatouille. On voit le ballet des chefs de cuisine, au moment où le petit chef prend sa fonction reconnue par toute l’équipe.
- Le goût de la vie. Tout le personnel de salle est assis et prend son repas avant le service à la clientèle. Sans parler du travail commun qui s’effectue en musique, dans le plaisir et l’humour.
- Begin again. La prestation de l’héroïne, seule à la guitare, écoutée par un producteur qui y ajoute les autres instruments.
- La chorale du bonheur. Quand l’équipe passe du groupe d’individus à une équipe solidaire.
- Spotlight. La vie d’une équipe de reporters d’investigation au Boston Globe. La solitude du reporter face à la cohésion d’un groupe qui se soutient et progresse de concert.
-« Ok, c’est bon, je suis nourrie. Merci et bon we. »
Quelques jours après, je retrouve Anne qui me dit : « merci de ce moment. Cela m’a aidé. J’ai changé de programme. Et c’était bon et ajusté ! »
Et vous, chers lecteurs, avez-vous connu ce genre d’expérience ?
Rogier 