C’est pas que je sois particulièrement mondain mais, comme tout le monde j’espère, j’ai une vie sociale. Conférences, vernissages, sorties culturelles, diners et soirées ponctuent agréablement ma vie. Lors des rencontres que ne manquent pas de générer ces divers événements, j’en entends parfois de belles:
-«Alors, il paraît que tu es coach. Un de mes amis l’est aussi, il travaille dans une salle de fitness… »
-«C’est pas un peu galvaudé, ce terme depuis quelques années? »
-«Tu dois quand même avoir toutes les solutions à tous les problèmes, alors? »
-«Qu’est ce que tu ferais, toi face à mon boss ? Non, t’inquiète, j’ai juste besoin d’un petit conseil … »
– …
Si ces quelques répliques témoignent surtout de l’ambiguïté relative à l’appellation « coach » et d’une certaine méconnaissance de la pratique du coaching, elles me font tout de même sourire. Elles me rappellent notre ancien médecin de famille qui, il y a très longtemps, nous disait éviter les soirées mondaines parce qu’il n’y trouvait jamais la paix:
-«Vous êtes médecin ! Dites, un petit conseil en passant, qui ne vous prendra que quelques minutes. »
-«Ma fille a mal là, quel est votre diagnostic? »
-«Vous pouvez me faire un certificat de maladie ? Je vous explique … »
-…
Ces situations prêtent évidemment à sourire mais elles m’amènent tout de même à me poser une question essentielle: «Quand va-t-il être possible – parce que c’est souhaitable et même indispensable – de pousser sur le bouton off de la radio « monde » pour écouter le silence, le vide, la vie. Comme le disait joliment le compositeur Claude Debussy, « La musique est le silence entre les notes ».
C’est un peu ce qu’il se passe pour le maire de Lyon, joué par Fabrice Luchini dans le film « Alice et le maire ». Le début de sa carrière a été fulgurant. Présence, confiance et foi le motivaient. Mais aujourd’hui, ça fait longtemps que le maire a perdu le feu sacré. Il est à bout de souffle. Plus de temps pour prendre du recul ou pour rêver. Tout est agression même s’il veut être disponible pour sa population. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, même s’il tente d’y résister. Et son environnement proche ne lui facilite pas la vie…
Être coach, médecin, politicien, c’est toute une vie. Comme le dit Luchini dans le film, c’est une vocation et bien plus encore ! A croire que le « bien plus encore » est significatif d’un état de notre temps. Au commencement, c’est Un Peu, puis ça devient Beaucoup, ensuite Très et finalement Trop. Résultat ? Un danger: le resserrement de notre angle de vision sur le monde. Nous sommes spontanément, nous agissons, nous accompagnons selon ce qu’est notre regard sur le monde et sur la vie. Selon l’adage, dis-moi quel est ton regard sur l’homme, je te dirai qui tu es. Et quand nous sommes dans le trop, le regard se ferme, l’angle de vision change et s’amenuise. Et toute notre relation au monde s’en trouve affectée.
Et en parlant de regard sur le monde, j’ai envie de vous parler d’un modèle qui me semble intéressant: l’échelle d’inférence développée par Argyris et reprise ensuite par Senge.
Constituée de 6 « échelons », l’échelle d’inférence postule que notre regard sur le monde est comme limité par des œillères de cheval qui le font ne voir que certains éléments présents dans son champ de vision. C’est le premier échelon de l’échelle.
Le deuxième échelon représente le constat selon lequel, dans ces éléments déjà partiels de notre réalité, nous en sélectionnons certains.
Le troisième, c’est le sens. C’est à dire que rendu là de notre exploration du réel, nous commençons à imaginer les éléments entre eux et à leur donner du sens. Nous recréons une nouvelle histoire.
On arrive alors au quatrième échelon qui est celui de nos croyances. Nous tirons des enseignements de l’histoire que l’on se répète pour identifier nos valeurs présentes sur le cinquième échelon.
L’échelon 6, ce sont les actions que nous entreprenons à longueur de journée à partir desquelles nous allons aussi poser un regard sur le monde de la vie. Et ainsi de suite, on reboucle avec l’échelon 1.
Merci Philippe pour ces partages que j’attends toujours avec impatience!!
Merci de ce retour Judith. C’est une autre source constructive d’identité et de sens. À bientôt Philippe