La veille des funérailles de Annie, j’ai passé la nuit en France, chez Sylvain. La soirée était déjà bien avancée lorsque nous avons commencé à parler de la Belgique où je vis. Sylvain me faisait part de sa perception de l’un des particularismes qui rendent la Belgique à peu près incompréhensible pour ceux qui n’y vivent pas: la cohabitation compliquée et parfois houleuse de deux communautés très différentes, les Flamands au Nord et les Wallons au Sud.
Alors que les médias font leurs choux gras des frictions entre Wallons et Flamands, Belinda et moi entretenons des liens d’amitié avec plusieurs couples mixtes: wallon-flamands, libano-belges, belgo-turcs, etc. D’ailleurs, Belinda et moi formons nous-mêmes un couple mixte, puisqu’elle est Arménienne de Turquie et que je viens de Gaume, adorable région du Sud de la Belgique.
Si les médias soulignent régulièrement les tensions communautaires, moi je ne vois que plaisir de la rencontre et richesse de la différence.
Tandis que les médias provoquent et stigmatisent des ruptures, j’ai envie de témoigner du soutien mutuel dans l’apprentissage de l’autre, de sa langue et de sa culture.
Tout cela m’a fait penser au dernier livre de Jean-Paul Dubois, Prix Goncourt 2019: « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon ».
J’aime la façon que l’auteur à de décrire les existences de gens tellement dissemblables – pasteur, animatrice de salle de cinéma art et essai provocatrice, organiste, homme de main, assassin, gardien, sensibles, introvertis, grandes gueules, … – qui se croisent dans des microcosmes ponctuels, qui ont à se supporter et qui en viennent parfois à se haïr ou, au contraire, à s’allier. Tous ont leur regard, leur façon de se comporter. Ils sont particuliers et chacun entretient une relation particulière avec « l’Autre ». Pas de quoi cristalliser la différence, l’opposition, le conflit. Quelle source d’enrichissement! Exactement comme dans la vie…