Dans ma pratique quotidienne, je suis toujours un peu étonné de constater à quel point nos coachés considèrent leur coach comme celui qui, sachant tout, va tout résoudre.
Dernièrement encore, après m’avoir exposé sa situation, Alain concluait par un « c’est grave, coach? » qui sonnait un peu comme un « c’est grave docteur? ». Quant à Bernadette, elle témoignait l’autre jour en supervision de ce qu’elle avait été choisie comme intervenante dans une des associations de sa région sur base d’un troublant: «tu es celle qui va nous sortir de là ».
Si ces témoignages de confiance sont sans doute nourrissants pour l’ego, ne nous y trompons pas, ils constituent surtout de redoutables pièges dont il nous faut nous défier. Quel piège en effet de nous laisser aveugler par l’idée de notre toute puissance. Quel leurre de penser que le diagnostic qui est attendu serait infaillible et que l’action que nous mettrions en place avec les équipes serait précisément de nature à résoudre les problèmes éclairés par les enjeux divers de la situation.
Il est vrai que dans la relation de coaching, après avoir construit l’alliance avec notre client (et parfois même pendant qu’on la construit), nous posons des diagnostics de manière ininterrompue sur les besoins de notre client, sur les enjeux de la situation, sur le stade de son développement, etc.
15 + 1
Le concept des 15+1 paramètres développé par Vincent Lenhardt est un bon outil pour passer en revue plusieurs éléments de la relation et nous aider à poser et à ré-interroger le diagnostic systémique de la situation. Je vous épargne la liste des 15 paramètres pour n’en citer que quelques-uns: le sens, le contrat, le stade de développement, la demande,… Quant au dernier, et non des moindres, il se réfère aux fameux processus parallèles.
Mais revenons à ce fameux diagnostic dont l’une de mes formatrices en logothérapie aimait répéter que, n’étant pas médecins, nous n’avions pas à poser de diagnostic. Elle allait même plus loin puisqu’il était selon elle dangereux de s’enfermer dans un diagnostic conduisant à interpréter et à priver ainsi notre client de sa propre responsabilité. En 1978, la psychothérapeute MaryMcClure Goulding avait d’ailleurs fait de ce thème le titre de l’un de ses ouvrage: « The Power is in the Patient ».
Il est donc essentiel de ne pas nous arrêter au premier diagnostic. Nous devons au contraire continuer sans cesse à regarder les éléments qui émergent afin de rester dans une dynamique continuée d’ouverture, d’évolution et de clarification pour préparer l’intervention. Un des enjeux est donc d’affiner le diagnostic, de continuer à le poser, à le partager, à le remettre en question, à l’amender, à le compléter.
Un bel exemple de diagnostic avec la nécessité de ne pas s’y enfermer nous est donné dans le dernier film de Lulu Wang, « l’adieu », un film chinois.
La grand-mère est atteinte d’un cancer au quatrième degré. Les médecins lui donnent moins de trois mois à vivre.
La famille se réunit autour d’elle sous le sceau du silence admis culturellement sous un faux prétexte, le mariage d’un des petit-fils . Tandis que l’autre petite fille Billy, Toute empreinte d’une culture américaine prônant la révélation de la vérité comme effet cathartique potentiel sur le patient, voudrait informer sa grand-mère du diagnostic posé par les médecins.
Très belle histoire racontée sans jugement sur les modes de vies de ces cultures entremêlées. Arrivé à la fin de l’histoire, la question reste entière: fallait-il ou non dévoiler le diagnostic ?
Ma prescription: allez voir ce film, il est recommandé par la faculté;-)