Dites-moi si je me trompe mais il me semble que j’ai toujours exprimé sur ce blog la confiance indéfectible que j’ai tant dans la vie que dans l’être humain. Le regard que je porte reste celui de la confiance et de l’optimisme même si ce dernier peut parfois être tragique comme nous l’enseigne Viktor Frankl.
Je veux célébrer aujourd’hui encore la force de la vie et de l’amour, quels que soient les événements qui peuvent nous éprouver. Ce que le monde traverse actuellement est inédit. En 63 ans d’existence, c’est la première fois que je connais cela. Il y a pas de mots pour décrire la situation d’aujourd’hui. Toute tentative de débusquer un complot, des erreurs humaines, de la manipulation ou une prise d’otages planétaire à des fins économico-politiques me semble vaine. Et de toute façon, cela ne change rien à ce que je vis.
Sans doute cette situation m’en rappelle-t-elle d’autres: mon ressenti lors du tremblement de terre du 27 février 2010 près de Santiago du Chili; l’effondrement des deux tours à New York, le 11 septembre 2001; le début de la guerre du golfe, le 17 janvier 1991…
Je suis confronté à de l’incompréhension, au silence, à une grande solitude et à un vide apparent. Quelque chose de mon environnement est brisé. Qu’en sera-t-il de vous, de nous, de mes proches et de moi ?
J’y reviendrai sans doute dans les prochaines semaines, mais aujourd’hui, alors qu’en Belgique nous venons de célébrer les mamans, c’est à Pauline que je veux donner la parole. Pauline est la fille d’Annie, mon amie de longue date, décédée en janvier au terme de près de deux ans de lutte et de survie aux côtés de Jérôme.
Le texte qui suit est celui que Pauline a lu le jour de l’enterrement de sa mère. Touché par ses mots, j’avais alors demandé à Pauline si elle acceptait que je les partage sur ce blog. Elle m’avait donné son accord. Les voici:
Le jour où j’ai rencontré ma mère
« Bonjour,
En commençant à écrire ce texte, je ne savais pas quoi dire. Que raconter. Quels sont les bons mots pour dire la tristesse, l’amour, la joie, la beauté, l’harmonie, la douleur ?
Dans vos messages, vous avez été nombreux à dire « je n’ai pas les mots ». Pourtant, tous, vous m’en avez donné.
Alors je me suis décidée. Je suis là aujourd’hui pour vous regarder tous et vous raconter une histoire. Parce que ma mère c’est moi. C’est vous.
Il y a bientôt deux ans j’ai écrit « ma mère c’est mon âme, c’est mon axe. Et je vois poindre le cancer à chaque coins de rues ». Quatre jours plus tard, le cancer à fait son entrée. Fracassante. Déchirante. Mon monde s’est pétrifié. Je ne savais plus comment vivre. Dans quel sens.
Et puis je l’ai vu rouvrir les yeux, respirer, regarder mon père. Ma respiration a repris, la vie aussi.
Elle est alors rentrée en guerre pour sa vie. Et pour chaque centimètre carré de tumeur il y avait une montagne de volonté. Toute son énergie y était dévouée.
Ma lutte à moi s’est également mise en place. J’ai dû faire sans. Sans ma mère.
Parce que oui, si je tenais debout, bien droite face à mes questions et mes tempêtes d’incompréhensions, c’était parce qu’à chaque instant ma mère était là. Jamais je ne m’étais retrouvée coincé sans qu’elle ne m’ait amené à comprendre pourquoi. Plus que tout, elle ne m’a jamais donné aucune réponse mais elle me poussait à exprimer mes propres solutions.
Quand je terminais une conversation avec elle, je m’étais compris. J’avais mis les mots.
Et là, à ce moment, ma mère n’avait plus les mots, plus l’espace. Je me suis sentie seule comme jamais je ne l’avais expérimentée.
Alors j’ai lutté, avec les moyens à mon bord pour que mon navire reste à flots même si le second était passé sur un autre itinéraire. J’ai écris un mémoire qui s’appelle « faire avec pour être quand même ».
Il n’y a pas de hasard comme dirait l’autre.
J’ai appris. A être quand même.
Ce n’est qu’à partir de là, qu’enfin je l’ai vu. J’ai vu ma mère, là, dans ce monde. Bien présente, toujours elle, en chair et en os. Je l’ai reconnue, cette personne douée de vie. Elle n’était pas partie, elle attendait que je la rejoigne, sur son itinéraire. Que je la rencontre, ici et maintenant.
Avec cette maladie ma mère m’a fait un grand cadeau. Celui de me sentir moi-même douée de vie. Par moi-même et pour moi-même.
Loin de la priver de ses atouts, cette maladie nous donnait à voir son essence. Ma mère était, est, capable de faire grandir chez les autres, leurs propres pulsions de vie.
Son pouvoir était, reste, d’animer la vie qui coule en chacun de nous.
Elle m’a rendue capable de confiance en ma propre énergie vitale.
Alors oui, ma mère c’est mon axe. Mais ça ne me fait plus peur. Je la sens en moi, le long de ma colonne vertébrale. Je ferme les yeux et je sens la lumière chaude et douce qui me traverse et m’ancre au sol.
Elle vit en moi, avec moi.
Et en vous qui êtes la aujourd’hui, vous avez capté un éclat de son rayonnement. Si vous fermez les yeux vous pouvez sans doute la sentir, à la place que vous lui choisirez. A l’intérieur.
Parce que ma mère c’est moi. C’est vous. Alors :
Emmenez-la
Au bout de la terre
Emmenez-la
Au pays des merveilles
Car il semble que la misère sera moins pénible avec elle.
Merci »
Merci Pauline! Et puisque nous en sommes à évoquer nos mères, voici l’hommage qu’elles méritent…
Le titre de cet article est un proverbe de la communauté juive dont on connait l’attachement à la figure maternelle.
… …. Il n’y a pas de place aux mots ici pour laisser un commentaire, me suis-je dis tout d’abord, car touchée en plein cœur et trop d’émotion…
Et puis finalement, besoin de l’exprimer, de vous la partager pour rendre hommage peut-être à toutes les personnes qui sont sur mon chemin et qui m’aident à avancer…
Alors…
MERCI Philippe… de qui tu es… de tes partages, de ta sensibilité et vulnérabilité assumées. Ce sont elles, j’en suis sûre, qui aideront à construire le monde de demain… d’aujourd’hui… et à poser de nouveaux paradigmes.
MERCI Pauline pour cette hommage vibrant, plein de puissance et d’espoir…
MERCI Annie d’avoir croisé mon chemin dans cette vie – grâce à Philippe et ses formations TOB notamment – pour m’insuffler un peu de ta pétillance, de ton sourire… et oui, de ta Lumière. La dernière fois que nous nous sommes croisées, c’était à la « Fabrique des Embellies (*) » à Annecy, je m’apprêtais à donner une formation et toi, un cours de yoga. Nous nous sommes embrassées en coup de vent, tout sourires, tout heureuses et tout étonnées de nous voir et nous nous sommes promis entre 2 portes : « On s’appelle très vite !». Et puis, la maladie t’a appelée avant moi…
Je le savais, mais à lire le message de Pauline je le confirme, quelle «chance» de t’avoir rencontrée pour pouvoir garder au fond de moi un petit peu de ta flamme de Vie, de cette «embellie» à laquelle tu me donnes accès quand je pense à Toi. MERCI encore… et belle route !
MERCI à nouveau Philippe de me permettre indirectement de rendre cet hommage à Annie dont j’ai compris, avec beaucoup de tristesse, le départ pour une autre trajectoire au détour d’un de tes blogs…
Et bien sûr, même si la fête des mères en France ne sera que début Juin, avec un peu d’avance… MERCI maman…
Corinne J.
(*) Embellie : Amélioration momentanée de l’état de la mer et diminution du vent pendant une tempête, ou encore éclaircie du ciel pendant le mauvais temps et la pluie`. Langage courant : coup de chance.
Bonjour Corinne, je viens de lire ton commentaire. Plus qu’un commentaire, un témoignage, un hommage à Annie effectivement. C’est tout Frankl que tu écris en relevant les granges pleines d’Annie encore et toujours présente(s). Jérôme me partageait récemment la performance de leur chorale durant cette période Covid. Encore des traces des granges d’Annie, de Jérôme Et qui débordent, sèment, fleurissent encore et encore. Merci de tes qualités de cœur qui rayonnent aussi. Philippe